C’était un de ces procès au verdict très attendu, celui dit de l’excision. La cour d’assises de la Nièvre, réunie depuis mardi, a ainsi rendu son jugement hier. Le père des quatre jeunes filles excisées écope d’une peine de prison de deux ans ferme (5 ans dont 3 ans avec sursis) tandis que la mère a été condamnée à 18 mois de prison ferme (4 ans dont 30 mois avec sursis). Une sanction exemplaire et un message fort pour ceux qui ne respectent pas la loi française en commettant cet acte barbare sur leurs enfants.
Car il s’agit bien là d’une mutilation ignoble avec ablation de la partie externe du clitoris voire des petites lèvres. Son équivalent masculin correspond à l’ablation du gland. Cette coutume, largement pratiquée en Afrique subsaharienne ainsi que dans quelques pays du Proche-Orient et de l’Asie du Sud-Est, est essentiellement musulmane. Elle vise à empêcher le plaisir féminin, ce qui l’empêcherait ainsi de penser à l’adultère, tout en augmentant celui de l’homme par la réduction du vagin. Pour ces fanatiques religieux, la femme est la cause de tous les manquements à la morale et aux bonnes mœurs d’où le contrôle de son comportement par les hommes. On estime environ à 150 millions le nombre de femmes excisées et à 2 millions le nombre de jeunes filles qui viennent gonfler ce chiffre tous les ans.
Dans l’affaire jugée ici, les parents, d’origine guinéenne, étaient poursuivis pour « complicité de violence volontaire ayant entraîné une mutilation sur une mineure de moins de 15 ans par un ascendant ». Ils encouraient jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle tandis que l’avocat général, Axel Schneider, réclamait 6 et 8 ans de prison ferme. Selon lui, « une condamnation qui ne serait pas assortie d’une peine ferme (n’aurait) aucun sens ».
Du côté de la défense, l’avocat des parents, Me Guillaume Valat, a tenté de « victimiser » ses clients, en disant que leur condamnation ne changerait rien à cette pratique : « Si je ne suis pas l’avocat de l’excision, vous n’êtes pas les juges de l’excision (…) L’excision ne va pas s’arrêter avec ce procès (…) Pour que la peine ait un sens, il faut que ce procès ne soit pas une fin mais un début. Vous ne devez pas les exclure de notre société ». Pour conclure, il a précisé que de la prison ferme pour les parents condamneraient également les enfants à un placement dans un foyer pour les 2 enfants encore mineurs.
L’avocate des enfants, Me Nathalie Bouvier-Longeville, s’est interrogée : « Au nom de quoi, les parents ont pu s’approprier une partie de leurs enfants ? (…)Ca paraît insupportable que des parents aimants aient pu faire ça. Car ce sont des parents aimants, pas des monstres. » L’avocate de la Commission pour l’abolition des mutilations sexuelles, qui s’est constituée partie civile, s’est également indignée à la barre : « Les parents pouvaient-ils légitimement ignorer que l’excision était interdite en France ? (…) Ce procès doit être le dernier ! ».
Malheureusement, le poids de la coutume est encore très fort puisque les mères n’hésitent pas à reproduire les gestes qui les ont fait souffrir et qui les font encore souffrir durant l’acte sexuel, leur ôtant tout plaisir et toute possibilité d’orgasme, et ce afin d’espérer un bon mariage pour leur fille. Les aînées (18 et 20 ans) ont ainsi soutenu leurs parents, expliquant même « ne pas comprendre pourquoi (ils) se retrouvaient au tribunal ». La mère tente de s’excuser : « Aujourd’hui, je serais moins passive. L’excision ce n’est pas bien » tout comme le père : « Ce qui m’importe plus que tout c’est l’état de ma famille. Plus que ma propre maladie. Je m’excuse pour ce qui s’est passé ». Le président de la cour a pris la parole pour tenter de voir si un aménagement de la peine serait possible : « (Les parents) seront convoqués par le juge d’application des peines qui verra en fonction des éléments familiaux dans quelle mesure la peine peut être aménagée. Il n’est pas certain que monsieur et madame aillent en prison ».
De belles paroles qui n’effacent pas les actes, irrémédiables. En espérant que cette condamnation médiatisée fasse ouvrir les yeux à certains parents. En attendant, la France passe le message. Désormais, elle ne fermera plus les yeux sur cette pratique barbare. C’est ce qu’a essayé de faire Najat Vallaud-Belkacem, la toute nouvelle ministre des Droits des femmes, en rappelant « que les lois de la République protègent la liberté et la dignité des femmes ». En cela, c’est déjà un progrès immense.
Les mauvaises traditions ont la vie dure, enfin …
Malheureusement oui. Et un des mes amis vient de me confirmer que sa copine, qui en a été victime petite, « rêve » du même sort pour ses enfants et se l’interdirait uniquement pour ne pas aller contre la loi française. C’est donc bien d’avoir des règles, de les rappeler, de les appliquer et de les faire respecter. Halte aux pratiques du Moyen-Age!