Retour sur la crise grecque
Je ne vais pas trop m’épancher au risque de m’énerver franchement tant cette histoire devient pathétique. On ne compte plus ni les fois où le duo Merkel-Sarkozy -donc Merkel diront les mauvaises langues- ont sauvé l’euro ni les fois où la Grèce a frôlé la faillite. Le site de La dépêche s’est amusé à retracer l’historique de la crise[1]. On pourrait tout aussi bien reprendre les titres des grands quotidiens nationaux sur la même période qui prêteraient à sourire voire à une franche rigolade tant ils ont annoncé à maintes reprises le sauvetage de la Grèce.
Avant toute chose, il faut rappeler quelques éléments factuels sous peine de passer à côté de l’affaire. Tout le monde retenait son souffle l’année dernière pour savoir si la maladie de notre influent voisin italien allait empirer. Le Monde du 15/02/11[2] n’hésitait pas à titrer que « restructurer la dette italienne (était) urgent et indispensable ». On pouvait y lire, mais aussi dans les autres quotidiens, qu’ « un endettement de 120% de son PNB, rend la péninsule fragile et vulnérable aux courants et aux tempêtes ». Ce dernier point se révèle particulièrement instructif puisque de l’avis de tous un seuil de 120% de dette amène presque à l’asphyxie. A titre de comparaison, celle de la France en 2012, déjà jugée par tous les observateurs comme catastrophique et à l’origine de la fameuse perte du triple A, qui a fait couler tant d’encre, est attendue à 89,1%[3]. Cela donne un net avis sur la situation italienne.
Là où cela devient très drôle, c’est quand on se penche sur les ambitieux objectifs des différents plans de restructuration appliqués dans le petit Etat d’Europe méridionale. On apprend ainsi dans l’édition de L’Expansion, en partenariat avec L’Express, du 09/03/2012[4] que : « l’objectif affiché de la restructuration de la dette grecque et du plan d’aide de 130 milliards d’euros qui l’accompagne est théoriquement de faire baisser le taux d’endettement du pays de 160% du PIB actuellement à 120,5% en 2020 ». Et oui, tout ce cirque ne va servir qu’à ramener l’endettement de la Grèce en 2020 au niveau de celui de l’Italie d’aujourd’hui jugée catastrophique par tous. Formidable non ?! Et encore, on parle d’objectifs purement théoriques puisque le FMI, dans Le Figaro du 20/02/12[5] doute déjà des résultats et parle plutôt d’un niveau envisageable de 129%. De toute façon, toujours selon l’article de L’Expansion : « Cette hypothèse financière ne convainc pas grand monde. Et en supposant même qu’elle puisse être atteinte, elle ne règle aucun problème de fond. La Grèce n’est aujourd’hui pas compétitive, elle ne parvient pas à collecter l’impôt et surtout elle n’a pas d’industrie, résume un économiste. Il va donc lui falloir mener des réformes structurelles pour sortir de l’ornière. Le problème? Ces réformes prennent du temps. Et la priorité est au désendettement. »
On aura tous compris que d’ici 2020, la Grèce n’aura pas fini d’être sauvée et que la Une des quotidiens va encore se pencher à de nombreuses reprises sur le cas du malade grec. Dans ce contexte, n’aurait-il pas été plus judicieux de lâcher cet encombrant partenaire qui ne représente que le poids économique d’une seule région française tant il est gangréné par le travail au noir ? Il aurait même fallu se pencher d’un peu plus près sur les critères de Maastricht pour refuser la Grèce qui, de l’avis de tous, n’a jamais joué le jeu européen. En même temps, aurait-il pu en être autrement ? En fixant des critères inatteignables depuis le début (déficit public annuel inférieur à 3% du PIB et dette publique inférieure à 60% du PIB) puisque basés sur une croissance annuelle de 3%, on peut être à même d’en douter fortement.
M’est avis que l’insolente santé des banques européennes dans leur ensemble ne doit pas être étrangère à cette décision de sauver le soldat grec. D’ailleurs, à bien y regarder, on constate qu’en renonçant à une partie de leur dette, elles ont surtout réussi à se désengager du bourbier grec en passant la main au secteur publique (FESF, BCE, FMI, Etats européens). Pourquoi ai-je encore la désagréable impression que le citoyen lambda va endosser le rôle de dindon dans cette immense farce internationale?