Retour sur un scénario abracadabrantesque

Imaginez le scénario suivant: Nicolas Sarkozy réélu en mai prochain jusqu’en 2017. Pour lui succéder survient…Jean Sarkozy qui nommerait aussitôt son père Premier ministre. Les deux hommes s’empresseraient de repasser le mandat présidentiel de 5 à 7 ans à la prochaine élection. En 2022, Nicolas Sarkozy est triomphalement élu puis réélu en 2029 avec 65% des votes en sa faveur à chaque fois, un vrai plébiscite. Il nomme comme Premier ministre son…fils Jean. Invraisemblable, jubilatoire ou déprimant, ce scénario tiré par les cheveux est pourtant bel et bien en train de s’écrire sous nos yeux. Dans le rôle de Nicolas Sarkozy, j’ai nommé Vladimir Poutine et dans celui de son fils, à ses bottes, tout le monde aura reconnu l’actuel Président russe, Medvedev. La durée du mandat change un peu aussi, 4 ans au lieu de 5 puis 6 au lieu de 7 mais l’essentiel demeure.

Elu dès le premier tour avec plus de 52% des suffrages en mars 2000 à la plus importante fonction d’Etat en Russie, il est réélu en 2004 avec un score de dictateur africain avec 71,22% des voix. Bloqué par la législation qui limite à deux les mandats présidentiels successifs, il a l’idée géniale ou saugrenue -chacun fera son choix- de choisir une marionnette, Medvedev, qui le seconde au Kremlin et qui a hérité du surnom peu flatteur « d’homme de Poutine ».  Ce dernier sera élu tranquillement au premier tour avec un score à peine moins élevé que Poutine en 2004. Sa première décision est de nommer son prédécesseur Premier ministre. Histoire de faire durer cette love-story le plus longtemps possible, les deux hommes s’empressent de changer la constitution, dès novembre 2008, pour faire passer le mandat présidentiel de 4 à 6 ans et celui des représentants de la Douma (acquise au parti présidentiel) de 4 à 5.  Hier, le plan a été pleinement respecté avec la réélection de Poutine avec près de 65% des suffrages. Et devinez qui est envisagé dans le rôle de Premier ministre? Ne cherchez pas, il n’y a pas de piège!

Les grandes démocraties, gênées aux entournures, ont à peine pointé quelques irrégularités avant de se résoudre à féliciter le nouvel homme fort de Moscou qui se trouvait aussi être l’ancien. Et tant pis pour les grincheux! L’un des leaders de la contestation, Vladimir Ryjkov, s’est pourtant empressé de déclarer : »Cette élection est une farce. Le pouvoir n’est pas légitime » et pris l’engagement qu’ »(ils allaient) continuer (leur action) pacifique tant que (leurs) exigences ne (seraient) pas remplies. » Mais rien n’y a fait. La police a chargé partout où des manifestations tentaient de s’organiser, procédant à des centaines d’arrestations. L’ex-URSS n’a pas perdu toutes ses traditions avec l’ex du KGB à sa tête. En douze ans de pouvoir, il est devenu l’un des hommes les plus riches du monde, bien loin de l’image de l’homme intègre qu’il essaye de se forger*. Mais de cela, il n’en est jamais question dans les médias russes, trop verrouillés par le Kremlin. La fête n’est décidément pas prête de s’arrêter à Moscou…

*A ce sujet, je vous recommande l’excellent article du Nouvel Obs sur la fortune présumée de Poutine: La fortune cachée de Poutine