Du cheval dans nos assiettes : le spectre de la vache folle

Reuteurs/Chris Helgren

Au Royaume-Uni, de la viande de cheval a été découverte dans des lasagnes, distribuées par Findus, censées être uniquement composées de viande de bœuf. Et l’affaire tourne au scandale avec, une fois de plus, une traçabilité déroutante qui révèle une chaîne des plus complexes de l’animal au produit fini.

Petit rappel des faits donc. Tout part du Royaume-Uni avec un distributeur, Findus, d’origine suédoise. Il se fournit auprès d’un groupe français Comigel, qui lègue le marché à sa filiale luxembourgeoise, Tavola. Cette dernière soustraite à une autre filiale, Spanghero, qui conditionne les lasagnes incriminées au Luxembourg. Enfin, cet intermédiaire dit se fournir en Roumanie auprès d’une association nommée Romalimenta. D’où l’extrême complexité de cette affaire. Findus se retourne naturellement contre Tavola et donc Comigel qui regarde vers Spanghero qui, à son tour, pointe du doigt Romalimenta. Vu que l’association roumaine est en bout de course, elle fait logiquement l’inverse en accusant Spanghero, sans nier pour autant les faits qu’on lui reproche, en arguant que Spanghero agissait en toute connaissance de cause « car le cheval a une couleur, une texture et un goût particuliers ».

Au bout du compte, on a la nette impression que le dindon de la farce sera, une fois de plus, le consommateur. Pour s’en convaincre, il suffit de lire le communiqué de Benoît Hamon, ministre délégué à la Consommation, qui précise que « l’enquête menée par les services de la DGCCRF a permis d’établir le circuit de commercialisation de la viande concernée. Le fournisseur de l’usine luxembourgeoise est le groupe français Poujol. Celui-ci a acquis la viande surgelée auprès d’un trader chypriote, qui avait sous-traité la commande à un trader situé aux Pays-Bas, ce dernier s’étant fourni auprès d’un abattoir et d’un atelier de découpe situés en Roumanie ». On sent comme un arrière-goût de cheval fou ou plutôt de vache folle. Comme si aucune leçon n’avait été retenue de cet immense scandale des années 1990.

D’affaire, la presse est vite passée au terme de scandale, avec une fraude remontant visiblement à août 2012 et qui aurait permis de rapporter 300 000 euros. Et si les sujets de Sa Majesté sont à ce point choqués par la pratique, c’est que la viande de cheval n’y est pas commercialisée pour des raisons culturelles. Le cheval y est là-bas l’équivalent d’un animal domestique. Un peu comme si on avait retrouvé du chien ou du chat dans nos assiettes, ce que reconnaît du bout des lèvres Findus en admettant que la découverte « n’est pas agréable en particulier pour les consommateurs britanniques ». En ménageant si peu nos meilleurs ennemis, Findus veut surtout indiquer qu’il n’y avait aucun risque sanitaire, les règles d’abattage étant les mêmes qu’il s’agisse de viande bovine et chevaline. Alors, le groupe insiste sur ce dernier point en surveillant très attentivement ses chiffres de ventes. Car il craint plus que tout une perte de confiance du consommateur, comme avec la vache folle qui avait vu les clients bouder massivement la viande rouge. Le groupe tente d’abattre son dernier joker en jouant le rôle de victime. Une stratégie entièrement résumée dans le dernier communiqué du groupe : «  Il y a deux victimes dans cette affaire : Findus et le consommateur. Nous porterons plainte contre X dès lundi » avant de conclure qu’il n’y a « aucun risque sanitaire ». Circulez, il n’y a rien à voir…

Pourtant, une fois de plus le mal est fait et David Cameron,  le Premier ministre britannique avoue lui-même que cette « histoire très choquante est tout à fait inacceptable » parlant d’un sérieux problème de « confiance ». Et si pour une fois, un groupe assumait son entière responsabilité d’un produit commercialisé en son nom plutôt que de faire appel à une mécanique des plus complexes pour tirer toujours les prix vers le bas et faire un maximum de profits. En se lavant les mains comme toujours en cas de défaillance d’un des maillons de la chaîne. Mais ne soyons pas fous ! Findus s’en tirera bien évidemment et l’intermédiaire roumain trinquera. Pour recommencer dès demain… Et gare aux esprits grincheux qui regretteront de ne pas voir un produit transformé sur place à partir de viande locale. Trop simple et pas assez rentable ; bienvenue dans le XXIème siècle qui n’obéit qu’à un unique paradigme, celui de l’argent fou.

 

7 thoughts on “Du cheval dans nos assiettes : le spectre de la vache folle

  1. admin says:

    ;-) hé, hé… Le pire c’est qu’ils font tellement n’importe quoi qu’on ne serait limite pas étonnés! J’adore particulièrement l’attitude de Findus qui s’en lave les mains sur le thème: « ce n’est pas nous ». Ils vendent un produit en leur nom sur lequel ils se font un méga bénéf sans aucun contrôle et ils n’y sont pour rien… :???: Il y a truc qui m’échappe quelque part dans cette logique capitaliste poussée à l’extrême!

  2. admin says:

    Le problème est que la viande a été étiquetée « viande de bœuf » et que la viande de cheval est interdite à la vente en Angleterre!
    Sinon, en effet, la viande chevaline est très bonne, je confirme. :cool:

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