Quand la France avait stoppé sa croissance, le gouvernement semblait prendre un malin plaisir à ne pas parler de récession, évoquant un retournement passager de conjoncture ou une panne de croissance. Le dictionnaire des synonymes fonctionnait à plein régime ce qui faisait le miel de l’opposition. Désormais, avec le nouveau gouvernement, tout a changé. Il faudrait être le dernier des idiots à ne pas l’avoir compris. Et pourtant, quand on y regarde de plus près, on a du mal à y croire. On nous annonce une centaine de milliards d’économie sur 5 ans (consensus des économistes sur ce point, seules les manières d’y arriver divergent) mais la gauche a repris le jeu de l’ancienne majorité en ne parlant jamais de rigueur si ce n’est pour la nier… Cherchez l’erreur. Le fait de chercher à nier à tout prix cette fameuse rigueur ne suffit-elle pas justement à l’accréditer ? Une telle débauche d’énergie est à la limite du malsain, de l’inacceptable. L’UMP tient sa revanche et ne s’en prive pas, à juste titre.
A ce titre, la toute nouvelle ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, mériterait amplement de figurer dans Le mur du çon du Canard enchaîné pour cette magnifique phrase concernant le devenir des fonctionnaires : «Ce n’est pas une cure d’austérité mais c’est un grand moment de rigueur ». Je suggère l’achat immédiat d’un dictionnaire à cette brave dame. Tout dictionnaire –Petit Larousse de 1987 en l’occurrence- renvoie à la définition suivante du mot austérité : sévérité, rigorisme. Quant à son synonyme, rigueur, cela donne : sévérité, dureté. J’avais cru comprendre que le changement allait venir. Apparemment, j’ai été très naïf. La langue de bois est toujours en vigueur et de rigueur –enfin non, car la rigueur n’existe pas en France, suis-je bête !- et les concitoyens pris pour des cons. Saluons dans le même esprit la jeune ministre et porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem qui se fourvoie dans les mêmes cheminements sémantiques obscurs, répétant à loisir que le terme de rigueur n’est pas « approprié » : « Je n’emploie pas le terme de rigueur, sauf à nous l’appliquer à nous-mêmes, les membres du gouvernement, qui devons faire preuve de rigueur en effet dans la gestion des fonds publics ». Gageons qu’une longue carrière politique s’ouvre à elle. Pourquoi pas jusqu’au poste de Premier ministre puisque ce dernier souffre du même mal : l’incapacité à prononcer le mot rigueur sauf pour la nier. Pleine de mauvaise foi, de langue de bois et d’injustice ; un comble pour celle censée incarner l’esprit de justice voulu par le nouveau gouvernement. Alors je n’irai pas quatre chemins pour conclure ce billet d’humeur : avec une telle bande de branquignols aux manettes, tous issus des mêmes écoles et formatés de la même manière, nous sommes bien dans la merde…