L’information n’aura pas passionné les foules et il semblerait plus évident d’être passé à côté que d’être tombé dessus par hasard. Et pour cause, les médias, dans leur immense majorité, n’en ont que trop peu parlé. Certains y verront sans doute les dommages collatéraux de la dernière ligne droite d’une campagne présidentielle qui focalise toute l’attention de la presse. Pour ma part, je serais plutôt tenté d’y voir un évident conflit d’intérêt. Alors de quoi s’agit-il au juste ? Vendredi dernier, le tribunal correctionnel de Rouen a condamné cinq hypermarchés à un total de 140.000 euros d’amendes pour des « pratiques commerciales trompeuses » lors d’opérations de promotion qui ne profitaient in fine qu’aux seuls magasins puisque le consommateur payait ces articles plus chers qu’en dehors de la « promotion ». Et parmi les mauvais élèves figuraient trois magasins Carrefour et un Leclerc.

Le procédé mis en place était archi-simple et très grossier. Pour appâter le chaland, l’enseigne vantait un pourcentage gratuit ou un paquet offert pour l’achat de deux ou trois produits. Seulement, les enquêteurs de la Direction départementale de la protection de la population de Seine-Maritime ont découvert le pot aux roses grâce à des relevés. Ils se sont aperçus que le consommateur ne pouvait pas se rendre compte de la véracité de la promotion puisque les produits originaux étaient retirés des rayons rendant impossible toute comparaison. Et dans plusieurs cas, les produits se retrouvaient plus chers qu’à l’unité.

Pour leur défense, les avocats des distributeurs avaient affirmé que ces opérations de promotion étaient réalisées par des fournisseurs qui conditionnaient eux-mêmes le produit avec la promotion et réclamaient la relaxe que n’a pas donc pas suivie le tribunal. L’association UFC-Que choisir, qui a perçu 2 000 euros de dommages et intérêts, s’est félicitée de ce jugement par la voix de son avocate. « On obtient la reconnaissance de la fraude et de la publicité mensongère »,

C’est la deuxième affaire de ce genre après le différend opposant Casino et les Galeries Lafayette. Le premier accuse le second de relever les prix chez leur filiale commune Monoprix afin d’augmenter artificiellement le prix de revente des parts détenues par le groupe des Galeries Lafayette que convoite Casino (selon un accord entre les deux groupes, Casino souhaitait racheter la participation des Galeries Lafayette sauf qu’il y avait un désaccord sur le montant de la transaction). C’est en tout cas ce qu’a affirmé le porte-parole de Casino qui a confirmé qu’une lettre a été envoyée au président du directoire du groupe Galeries Lafayette, Philippe Houzé, qui préside également Monoprix. Casino y explique que dans les trois premiers mois de l’année, les prix ont augmenté de 2,3% dans les magasins Monoprix. Là-encore, ce sont les consommateurs les dindons de la farce.

Alors pourquoi autant de discrétion sur ces pratiques commerciales plus que douteuses ? La réponse est simple si l’on regarde qui paye les encarts publicitaires de la presse. Les grandes enseignes aiment à s’y répandre. On imagine aisément que les journaux ne voulaient pas froisser leurs annonceurs. Et pourtant il y aurait à redire. Poussant régulièrement mon caddie, j’ai pu à de nombreuses reprises m’apercevoir que l’énorme paquet de biscottes mis en avant revenait plus cher que le format plus classique. Les paquets de mouchoirs sont progressivement passés à 9 unités par étui sans le prix bouge. Plus fort encore avec la glace qui a sensiblement augmenté alors que sa contenance prenait le chemin inverse (on trouve désormais plus de bacs de 900ml que d’1L). Et les exemples de la sorte abondent. Les supermarchés ont tué le petit commerce à coup de promotions et de prix bas. Oui mais voilà, la concurrence est morte et la hausse des prix peut s’épanouir sereinement.