La somme a de quoi faire rêver… ou peur. 32 000€ par heure. Non, il n’y a pas d’erreur. C’est bien la somme hallucinante engendrée par une seule personne, Tim Cook en l’occurrence, au titre de l’année 2011. Pour être parfaitement honnête, il n’a touché qu’une infime partie de cette somme soit 688 000 euros en salaire. Pour agrémenter le quotidien, il a également pu compter sur une somme équivalente d’avantages pécuniaires variés. Enfin, le reste, soit 288 millions d’euros, représentent les actions Apple. La firme à la pomme a vite précisé que Tim Cook ne peut pas dans l’immédiat vendre ses actions. C’est seulement dans cinq ans qu’il sera en mesure de se délester de la première moitié tandis que le reste pourra être cédé dans les cinq années suivantes. Surtout, Apple avait précisé, à l’époque, devoir agir de la sorte pour « garantir le maintien de M.Cook » dans l’entreprise en lui octroyant donc un grand nombre de stock options, selon le souhait de Steve Jobs. Précisons pour l’anecdote que les actions ont augmenté de plus de 60% depuis leur attribution transformant potentiellement les 288 millions d’euros en 480 millions d’euros.

Si cette somme paraît hors norme, du fait de l’attribution exceptionnelle des stocks options, les grands patrons américains n’ont pas trop à rougir en regardant leur fiche de paye. Selon le New York Times du 8 avril, et d’après le cabinet spécialisé Equilar, les 100 PDG les mieux payés ont touché plus de 1,59 milliards d’euros avec un salaire médian de 10,9 millions d’euros. On est bien loin du salaire moyen annuel de 34 265 euros aux Etats-Unis. Les salaires de ces grosses fortunes ont même pris 2% alors que l’ensemble des Américains devait de contenter de 1,1% par rapport à l’année 2010. Et encore, l’étude n’a pris en compte que les sociétés cotées en bourse, certains fonds américains atteignant des niveaux de rémunération très élevés pour leurs dirigeants.

Le sujet devient sensible en ces temps troubles, et même aux Etats-Unis, pays pourtant nettement plus décomplexé que les autres pour afficher ses revenus.  Du coup, c’est avec ce titre choc «Un PDG peut-il valoir un million de dollars par jour?» suivi d’un article créant la polémique que le New York Times a ouvert les hostilités. Le journaliste répondait lui-même à la question posée : «Chez Apple, la réponse est un grand « oui »». Pour enfoncer le clou, le quotidien américain poussait même l’affront avec la comparaison avec un ouvrier chinois travaillant pour Apple qui mettrait près de 61 000 années de travail pour atteindre les revenus 2011 de Tim Cook.

En période de crise et à quelques jours d’une échéance majeure pour les Français, le sujet est donc des plus sensibles. Une « chasse aux riches » semble s’organiser, du moins en théorie. Le PS proposait ainsi de taxer à hauteur de 75% les revenus supérieurs à 1 million d’euros, le taux d’imposition à 70% pour les revenus supérieurs à 500 000 euros pour Eva Joly, les partis d’extrême-gauche (dont le Front de gauche) voulant même taxer à 100% les revenus supérieurs à 360 000 euros, François Bayrou veut un taux de 50 % dès 250 000 euros, Marine Le Pen souhaite la création d’une nouvelle tranche à 46% tandis que Nicolas Sarkozy se propose de partir à la chasse aux exilés fiscaux (entreprises comme particuliers) .

Comment ne pas se prononcer pour ? Sans remettre en cause le capitalisme, sans alternative crédible à ce jour et dont nous profitons largement dans notre pays (rappelons que l’immense majorité de la population mondiale survit avec un misérable dollar par jour), il conviendrait tout de même de stopper cette folie financière qui place l’argent au-dessus de tout en tant qu’unique valeur universelle.

Durant cette campagne électorale, j’ai beau eu tendre l’oreille mais je n’ai pas entendu parler de la famille. Or, au moment où les divorces n’ont jamais été aussi nombreux, que la famille périclite de toute part et que de nombreux jeunes apparaissent plus que jamais désorientés, ne serait-il pas intéressant de s’y attarder à nouveau ? Elle véhicule des valeurs qui apparaissent désormais désuètes comme la solidarité, l’unité, la compréhension, le respect et l’amour. Eduquer ses enfants plutôt que de les laisser à la charge de la société dès le plus jeune âge (nourrice à 2 mois et demi, école en pré-petite section dès 2 ans et demi avec périscolaire pour commencer et terminer la journée, centres de vacances ou de loisirs dès que possible) me paraît un projet bien plus crédible que « le travailler plus pour gagner plus ». D’ailleurs, Nicolas Sarkozy se proposait, il y a peu, d’abaisser encore le congé parental (aujourd’hui de 3 ans maximum) pour le passer à deux ans pour favoriser la reprise du travail. Gagner de l’argent serait-il plus important que d’éduquer son enfant ? Sommes-nous réellement contraints de travailler toujours plus ou alors pouvons-nous relever la tête et tenter de nous poser les vraies questions ? L’avenir ne serait-il pas dans un modèle plus vertueux de décroissance ? Notre bonheur doit-il nécessairement toujours passer par des produits de consommation en plus grand nombre ? J’ai en partie fait le choix de cette décroissance, sans pour autant renoncer à un confort de vie contemporain. D’autres l’ont fait avant moi et le feront après moi. Vivre plus décemment, sans faste, est du domaine du possible. Non, à 50 ans, on n’a pas raté sa vie si on ne possède pas de Rolex, contrairement aux croyances d’un certain Jacques Séguéla et autres acolytes tout aussi pathétiques qui s’érigent en donneurs de leçons à longueur de journée. On peut en avoir les moyens mais refuser ce choix. Alors peut-être en finirons-nous avec ces salaires injustifiés et injustifiables (n’en déplaise à Maurice Lévy, patron de Publicis, qui estime ses 16 millions d’euros de bonus justifiés !). Pour un privilégié au bout de la chaîne, combien de petites mains doivent se saigner en amont ? C’est une question à laquelle on ne préfère pas penser. Et pourtant, il serait temps de le faire.