Du droit des femmes à se taire

Si le droit des femmes a considérablement évolué en France au XXème siècle avec le droit de vote en 1944, l’égalité des droits entre hommes et femmes inscrit dans le préambule de la Constitution ou encore la réforme du régime matrimonial de 1804 en 1965 ( permettant aux femmes de gérer leurs biens, d’ouvrir un compte en banque, d’exercer une profession sans l’autorisation de leur mari), sans oublier la loi Veil de 1974 autorisant l’IVG puis la légalisation de la pilule en 1967 ; la situation des femmes demeure inégale à travers le monde. En Inde, plusieurs affaires de viols ont secoué et révolté l’opinion qui manifeste violemment.

La coutume avait été dénoncée au Maroc et aussi en Tunisie où plusieurs victimes de viols peinent à porter plainte. Les policiers les en dissuadent quand ce n’est tout simplement pas la famille de la victime qui met la pression pour organiser un mariage arrangé entre le violeur et la victime au nom de l’honneur. Le 16 décembre dernier, une étudiante a été violée dans un bus par plusieurs hommes dans des conditions horribles avec notamment une barre de fer. Ces derniers ont ensuite passé à tabac l’ami de la victime avant de les laisser pour morts. Admise à l’hôpital dans un état grave, l’affaire qu’a tenu à cacher la police a provoqué un tollé dans le pays avec à la clé des manifestations réprimées durement. L’affaire a été médiatisée car l’étudiante était issue de la classe moyenne. Mais c’était surtout le viol de trop.

Pour preuve, quelques jours plus tard, le 27 décembre, une adolescente de 17 ans mettait fin à ses jours après avoir été victime d’un viol collectif le 13 novembre dernier. Pire encore, les policiers ont refusé d’enregistrer sa plainte et lui ont proposé un mariage arrangé avec l’un de ses bourreaux. L’inspecteur général Paramjit Singh Gill, chef de la police régionale a avoué que la jeune fille avait « tout essayé pour faire enregistrer sa plainte » et que « l’un des officiers de police (avait) tenté de la convaincre de retirer sa plainte ». La sœur de la victime a tenu à mettre les choses au point en remettant la version officielle en cause, affirmant que « la police (avait) commencé à exercer des pressions sur elle pour qu’elle accepte ou bien un arrangement financier avec ses violeurs, ou bien d’épouser l’un d’entre eux ». Aussi aucune arrestation n’avait eu lieu. Suite au suicide, dans un but d’apaisement, un policier a été licencié, un autre suspendu tandis que la police procédait à 3 arrestations. Enfin. Mais trop tard quand même pour une jeune fille de 17 ans qui réclamait seulement justice. Jeudi dernière, une écolière de 15 ans a été égorgée après, là encore, un viol collectif. Un de plus.

Et dans la nuit de vendredi à samedi, l’étudiante victime de viols qui luttait contre la mort est finalement décédée. De quoi inquiéter les autorités qui craignaient un débordement de violence dans les rues de New Dehli. Les forces anti-émeutes se sont donc déployées en masse aujourd’hui et plusieurs quartiers ont été bouclés tandis que les autorités ont assuré que « très bientôt des décisions solides seront prises » et que les 6 suspects viennent d’être inculpés de meurtre.

Cette violence ordinaire touche principalement les femmes (90% des 256 329 crimes violents enregistrés en 2011 concernent des femmes*) et le premier ministre a dû reconnaître que les violences contre elles étaient «un problème» significatif en Inde.  L’insécurité y est telle que que New Delhi a hérité du surnom de «capitale du viol». Il serait donc en effet temps d’agir avant d’attendre le nouveau fait divers sordide. Malheureusement, le combat des femmes n’en est qu’à ses débuts à l’échelle mondiale.

*On ne compte là que les plaintes officielles sachant qu’un bon nombre n’est pas reçu tandis que certaines victimes n’osent même pas porter plainte.

3 thoughts on “Du droit des femmes à se taire

  1. Cvalda says:

    La loi salique (première mouture Clovis, VIème siècle!) prévoyait 200 sous d’amende pour le rapt d’une femme mariée ou le viol d’une fiancée, contre…200 sous pour le meurtre d’un homme libre!
    Sans commentaire sur l’arriération de ces gens. Ils n’en sont même pas à l’ancien régime.

    En France, il y a énormément de viols, mais au moins nous ne sommes pas forcées d’épouser le criminel (parce que même s’il y a une plainte, ça ne donne certainement pas souvent grand chose…).

    Donc oui, on est mieux ici, on est mieux en 2012, mais encore du chemin à faire pour nos filles.

  2. Tcho says:

    Ils ont leur façon bien à eux de séduire une femme en Inde :evil:

    Humour noir indigeste et absolument pas assumé mis à part, j’ai envie de reprendre une expression cher au 15-18 : WTF :shock:

    Je veux comprendre certaines traditions (les vaches sacrés qui provoquent des bouchons monstrent pouvant bloquer des milliers de véhicules des heures durant, ok, puis bon, avec Inspecteur Gadget, ces situations là sont du gateau pour moi quand je rend visite au Maharadja Ramses II a Byzance :cool: ), totalement noble et sur le papier respectable mais le fait de devoir s’enquiller du malfrat qui t’as agressé pour « sauver un honneur » …

    … je me répète, WTF :shock:

    PS : la situation changera pas, à moins que le Premier Ministre puisse être une Première Ministrelle, ça changera pas, comme d’hab’ « Time moves forward. Nothing changes » (c’est pas moi qui la dit (« l’ai dit connard »), qui lady donc, c’est Max :cool: )

  3. admin says:

    200…sous, cela doit pouvoir se trouver! :mrgreen:

    Bien résumé Tcho. Parfois, je me dis que nous sommes vraiment un peuple de barbares. Et le pire c’est qu’apparemment le bus a traversé tranquillement plusieurs points de contrôle sans que personne ne donne l’alerte ou qu’un policier s’inquiète comme si tout était normal. :shock:
    Heureusement, j’ai arraché un sourire à l’évocation de l’Inspecteur Gadget! ;-)

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