« Favoriser la spéculation »

C’est avec ce lapsus ô combien révélateur que Jean-Marc Ayrault présentant à Matignon son « pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi ». A l’assemblée présente, il a ainsi annoncé : « Nous voulons favoriser la montée en gamme de nos entreprises. Cela signifie favoriser l’innovation et la spéculation ». Des rires se sont aussitôt fait entendre et le chef du gouvernement s’est alors repris : « La spécialisation. Cela signifie favoriser l’innovation et la spécialisation ». Il n’empêche, ce plan fait jaser. Certains ironisent (à raison) sur cette gauche qui va finalement réussir à passer le plan Sarkozy (20 milliards par an).

D’ailleurs, la droite elle-même applaudit des 2 mains le fameux rapport Gallois à l’origine de ce tour de vis pour les ménages français. Et s’en donne à cœur joie. François Fillon évoque « un virage, un renoncement » tandis que Gilles Carrez ironise : « Ils se sont ralliés à la TVA antidélocalisation, on aurait pu faire l’économie de six mois (…)Il faut qu’ils coupent le cordon ombilical avec Nicolas Sarkozy ! ». Comment leur donner tort ?!

Aussi pathétique que cela en a l’air, c’est pourtant bien derrière Louis Gallois que s’abrite la gauche. Elle essaye d’apparaître dans la posture du gouvernement impartial qui sait écouter les recommandations des spécialistes et prendre les mesures qu’il faut, aussi impopulaires soient-elles. Pour ma part, je n’y vois là qu’un accès de faiblesse et de lâcheté d’une gauche décomplexée qui n’hésite pas à suivre les recommandations du Medef, augmentant sans trembler la TVA alors même qu’elle avait voté contre il y a quelques mois. François Hollande en avait pourtant fait un thème de campagne présidentielle en faisant passer son rival pour le méchant qui s’attaque au pouvoir d’achat. Bilan : quelques mois plus tard, la gauche a une idée de génie pour relancer la compétitivité des entreprises françaises : la hausse de la TVA.

Concrètement, les taux de 5,5%, 7% et 19,6% vont respectivement passer à 5, 10 et 20. Le premier concerne tous les produits alimentaires de première nécessité. Le second a été créé par Sarkozy pour remplir les caisses et s’applique par exemple aux livres, à la restauration, aux tickets de transports… Et enfin, le dernier concerne en gros tout le reste. Pour faire passer la pilule, le gouvernement baisse un tout petit peu la TVA sur les produits de première nécessité histoire de faire semblant de donner dans le social et promet une application au 1er janvier 2014 seulement, là encore histoire de faire oublier la hausse d’impôts de 30 milliards prévue pour 2013. Mais, grosso modo, vous l’aurez compris, le gouvernement tape une fois de plus dans nos poches pour soi disant sauver nos entreprises alors qu’il ne fera qu’engrosser les plus grosses et retarder l’échéance des plus fragiles. Il ferait peut être mieux de s’attaquer aux multinationales car, dans le même temps, on apprend qu’Apple n’a payé que 7 millions d’euros d’impôts en France. En cause, un montage fiscal baptisé Double Irish qui permet de bénéficier du taux d’imposition le plus favorable en Europe (l’Irlande est un peu la terre d’exil rêvée pour bon nombre de sociétés) mais aussi des cieux plus cléments des paradis fiscaux où les plus grosses entreprises du monde ont toutes des boîtes aux lettres. Une grosse partie de l’argent amassée en Europe est donc acheminée dans ces paradis ce qui permet au bout du compte de ne payer que très peu d’impôts. La même stratégie est évidemment employée par tous les gros (Google, Microsoft…). Bref, une fois de plus, mieux vaut taper sur beaucoup de petits que sur quelques gros… CQFD.

La facture sera donc de plus de 6 milliards. L’autre tiers de ces 20 milliards concernera une taxation écologique (une de plus !) qui aura aussi des répercussions sur le porte-monnaie. Le gouvernement compte aussi sur des économies pour financer le reste de son plan ce qui est tout simplement impossible. Rappelons que le budget 2013 ne prévoit pas de baisse de dépenses, contrairement au refrain gouvernemental, mais juste sa stagnation. On voit donc mal comment l’Etat pourrait économiser autant de milliards tous les ans. L’UFC-Que Choisir a déjà sorti sa calculatrice pour chiffrer la blague socialiste : 200 euros chaque année par foyer. Qui disait ne pas vouloir d’une hausse de la CSG car cela se verrait directement sur la fiche de paie ? Ah oui, cela me revient… un certain J-M.A. C’est vrai qu’augmenter la TVA est nettement plus discret. On ponctionne de la même manière mais indirectement. Il n’y a pas à dire, Hollande & Cie, c’est la classe, la grande classe ! Et dire qu’on va encore pouvoir en profiter pendant plus de 4 ans. J’ai hâte de voir le paquet de surprises qui nous attend encore. Finalement, Hollande avait dû se tromper en annonçant le changement en 2014 sur TF1. Ca devait plutôt être en 2015, ou 2016 voire 2017…enfin un jour quoi. Ou pas.

 

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